Franz-O le perruquier
15 04 2012

“L’émigration, la ruine de beaucoup qui n’émigraient pas, avaient mis sur le pavé une masse de valetaille, de gens attachés aux nobles, aux riches, à différents titres, agents de mode, de luxe, d’amusement, de libertinage. La première corporation en ce genre, celle des perruquiers, était comme anéantie. Elle avait fleuri plus d’un siècle, par la bizarrerie des modes. mais le terrible mot de l’époque : “Revenez à la nature”, avait tué ces artistes, coiffeurs et coiffeuses ; tout allait vers une simplicité effrayante. Le perruquier perdait à la fois son existence et son importance. Je dis importance, il en avait réellement beaucoup sous l’ancien régime. Le précieux privilège des plus longues audiences, l’avantage de tenir une demi-heure, une heure, sous le fer, les belles dames de la cour, de jaser, de dire tout ce qu’il voulait, c’était le droit du perruquier. Valet de chambre, perruquier ou perruquier-maître, il était admis le matin au plus intime intérieur, et témoin de bien des choses, confident sans qu’on songeât à se confier à lui. Le perruquier était comme un animal domestique, un meuble de dames ; il participait fort de la frivolité des femmes auxquelles il appartenait. ce fut au sieur Léonard, bien dévoué, mais de peu de tête, que la reine confia ses diamants, et le soin d’aider Choiseul dans la fuite de Varennes ; et tout alla de travers. Il est inutile de dire que de telles gens regrettaient amèrement l’ancien régime. Les plus furieux royalistes n’étaient peut-être ni les nobles, ni les prêtres, mais les perruquiers.”
Histoire de la Révolution française, par Jules Michelet
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